11 ans de silence … le poids du temps

11 ans que le 11 avril a un goût particulier. Parfois je voudrai effacer la date tout simplement du calendrier ! En même temps le 11 avril c’est TA journée. Celle où depuis 10 ans je me tourne entièrement vers toi… Passage au cimetière, nettoyer la tombe familiale, fleurir ton côté, mettre une plante rose du côté de ta tante, chanter un Je vous salue Marie…. Aller à la plage pour respirer l’air marin, sentir le vent qui rappelle qu’on est vivant, nous.

Que dire après 11 ans ?
Que les larmes coulent moins, qu’il est plus facile d’évoquer ton passage éclair dans nos vies ?
Que fatalement on dit plus aisément qu’on a 5 enfants et non 6 car on n’a pas toujours envie de donner des explications.
Qu’à part un cercle très limité de personnes peu se souviennent de ton anniversaire, ne plus en faire cas, ne plus en vouloir, comprendre que pour les autres la vie sans toi ne veut pas dire grand-chose.
Que ce jour-là je ne travaille pas car écrire 11/04 sur un bracelet de naissance est une torture dont je me préserve.

Se demander si la capacité à avancer encore est un signe de force, de folie, de déni, d’acceptation … ou de résilience tout simplement. Avancer chaque jour un peu plus oui ,mais ne pas oublier, ne pas t’oublier.
Continuer à revivre le film de ta naissance les jours qui précèdent le 11 avril … le repas pascal en famille, l’absence de tes coups de pieds, l’attente dans cette salle de pré travail, cette musique qui passe en boucle à la radio, le silence dans la salle d’opération, ta naissance sans bruit, sans pleur, ton corps si blanc, les 3 h de « surveillance » dans leur petit débarras, le visage fermé de l’équipe, le regard perdu de celui qui nous  annonce que c’était fini … le sentiment d’avoir pris la mauvaise décision, d’être en partie responsable , cette culpabilité qui me suivra jusqu’à la fin.
Mais malgré tout aimer la vie car elle nous a offert 5 merveilles à aimer et câliner au quotidien, parce qu’on est heureux de continuer notre chemin de vie à 2 depuis plus de 20 ans, parce que l’on sait profiter des petites joies que nous offre la vie en attendant de se retrouver pour l’éternité.

« Personne ne prétend que la résilience est une recette de bonheur. C’est une stratégie de lutte contre le malheur qui permet d’arracher du plaisir à vivre, malgré le murmure des fantômes au fond de sa mémoire » Boris Cyrulnik